'Si nos boeufs pouvaient voler' gouvernance des conflits d'usage autour des espaces agro-pastoraux à Tienko, Côte d'Ivoire

L’objectif général de cette étude est d’analyser la gouvernance des ressources agro-pastorales à partir des formes complexes d’interactions et de coordinations entre divers acteurs impliqués dans la gestion de ces ressources. Cette étude s’appuie sur les conflits d’usage entre éleveurs et agriculteurs découlant des changements enregistrés dans la gestion des espaces agro-pastoraux à Tienko, dans le Nord de la Côte d’Ivoire. En effet, à la faveur des crises climatiques, de la croissance démographique et de l’introduction des cultures pérennes et de rentes, les conflits autour des espaces agro-pastoraux dans cette zone ont connu une démultiplication. Cette situation précaire s'est considérablement détériorée du fait de la récente crise sociopolitique qui a secoué le pays de 2002 à 2011. Cette crise a, en effet, contribué au retrait des structures étatiques et de l’administration dans les zones Centre, Nord et Ouest (CNO) de la Côte d’Ivoire. En lieu et place, on a assisté à l’introduction de nouveaux acteurs, les Forces des armées des Forces Nouvelles (FAFN) et à l’émergence de nouvelles règles dans la gestion des ressources naturelles, en particulier dans l'accès aux ressources agro-pastorales pour les éleveurs transhumants en provenance du Sahel. Accélérant, de ce fait, les transformations institutionnelles dans la gestion des ressources naturelles dans le Nord de la Côte d’Ivoire. Cette dynamique institutionnelle a provoqué un changement dans les interactions entre les différents acteurs, aggravant les conflits entre les pasteurs transhumants et les agriculteurs locaux. Avec la signature de l'accord de paix de Ouagadougou en mars 2007, la situation a commencé à se normaliser. Plusieurs structures étatiques ont progressivement été redéployées dans le Nord de la Côte d'Ivoire ce qui a laissé place à un chevauchement des instances administratives et des autorités rebelles dans la gestion des espaces agro-pastoraux et des conflits. Néanmoins, consécutivement aux élections
présidentielles de 2010 et à la crise post-électorale qui s’en est suivie, l’Etat a repris le contrôle de cette zone. Cette normalité constitutionnelle qui devrait normalement permettre une gestion optimale des ressources agro-pastorales, laisse place à une démultiplication des conflits entre éleveurs et agriculteurs dans cette zone. Cette étude qui s’inscrit dans une démarche qualitative à option ethnographique s’appuie sur les outils suivants : la recherche documentaire, l’entretien semi-structuré, le focus group discussion et l’observation praxéologique. La collecte de données s’est effectuée en trois périodes : de Juin à Juillet 2011, en Novembre 2014 et en Janvier et février 2016. Il ressort de cette étude que la superposition des règles et des autorités observés à Tienko, offrent des marges de manoeuvre aux acteurs en conflits. En effet, dans la résolution des conflits, ceux-ci sollicitent l’instance qu’ils jugent légitimes ou susceptibles de plaider en leurs faveurs. Les acteurs guidés par leurs intérêts redéfinissent leurs rôles dans la gouvernance des espaces agro-pastoraux.
Mots clés : Gouvernance, ressources agro-pastorales, conflits, éleveurs, agriculteurs